Pour son classement on oscillera entre "littérature générale" (c'est un grand classique)...fantastique...poésie à l'état pur.
Les hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)
voyages voyages... aux vents tourbillonnants du romantisme
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D'abord c'est la neige qui tombe en folle tempête,un voyageur égaré et transi, la demeure salvatrice enfin, un hôte renfrogné et ses pitbulls mordeurs -déjà à l'époque-, une jolie sorcière aux cheveux d'or, une chambre discrètement prêtée pour la nuit, contre la volonté du propriétaire hostile.
Le voyageur s'endort dans cette chambre de fortune, non sans avoir parcouru , gribouillées dans une bible qui traînait sur une étagère les bribes du journal d'une fillette, une certaine Catherine (Earnshaw? Heathcliff? Linton? )....
Dans la nuit , la branche d'un sapin cogne à la vitre, se transforme en une main bleuie qui s'agrippe tandis qu'une voix d'enfant gémit "Catherine...je suis Catherine Linton...je suis revenue...je m'étais perdue dans la lande"
Le voyageur interloqué , puis bientôt pris de panique en face de ce petit fantôme glacé et acharné n'est pas au bout de ses surprises. Plus tard il découvrira la saga des familles Earnshaw, Linton et Heathcliff, une histoire mortifère d'amour, de haine, de violence et de vengeance implacable au vent de la lande et de l'enfance perdue.
Histoire cyclique d'extinction et de renouveau, d'espoirs et d'anéantissement, comme les saisons, comme les grands mythes, comme la vie et la mort.
Unique roman existant d'Emily Brontë (l'une des trois soeurs Brontë ..jeune auteure taciturne et prodigieusement douée de 30 ans...(on a des raisons de penser qu'elle a fait disparaître le roman suivant inédit ), Wuthering Heights , paru en 1847 sous le pseudo masculin d'Ellis Bell un an avant la mort de son auteur, fut très mal perçu par la critique victorienne qui le jugeait mal dégrossi, trop violent, trop cruel. On y voyait, au mieux, une piètre ébauche de "Jane Eyre" (le roman de la frangine Charlotte) que l'on attribuait souvent au même auteur et qui fut, par contre, acclamé.
Il y a deux narrateurs dans le récit et par conséquent une mise en abîme qui a des échos de tragédie grecque..
L'intérêt de ce roman c'est aussi son ambiguité (l'amitié est elle de l'amour? La haine est-elle irrévocable? histoire de fantômes ou illusion? existe-t-il une vie après la mort?); les Hauts de Hurlevent est également un roman social avant l'heure, Heathcliff l'orphelin bafoué soumis aux tâches les plus rudes s'enfuit et resurgit, tel le comte de Monte Cristo, pour se venger de ceux qui ont été les artisans volontaires ou non de son malheur... les problèmes de l'alcoolisme sont également abordés de manière pittoresque (le frère de Catherine est un alcoolique invétéré, une épave humaine plus comique qu'inquiétante)
Beauté de cette histoire cyclique qui met en scène deux générations de Catherine , la brune et la blonde, enfants puis jeunettes de 19 ans: nostalgie de l'enfance et nature omniprésente, bois, ruisseaux et lande du Yorkshire battue des vents, qui confère au récit la dimension d'un mythe éternel.
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A lire si possible en français dans l'excellente traduction de Lebêque car l'un des serviteurs s'exprime en patois du Yorkshire de l'époque ce qui peut qq peu freiner la lecture en vo des lecteurs français et
pour cette raison comme par euphonie préférer les romans intitulés "les Hauts de Hurlevent" à "Hurlemont".