1921. C est la débandade pour les troupes du capitaine Santamaria Del Valle où le poste avancé qu'il défend dans le Rif va plier devant les forces berbères. Quelques mois plus tard, on le retrouve commissaire de la sûreté à Madrid, en charge du meurtre d'un haut fonctionnaire dans une maison close réputée. La victime était en possession d'un cahier dans lequel était consigné des noms de personnages de haut rang ayant trempé dans une monstrueuse affaire, celle du "vampire de la rue Ponent" à Barcelone, dix ans plus tôt. Au même moment, se joue le futur politique de l Espagne, gangrené par les attentats des juntes...
Immense fresque de plus de 800 pages, impossible à resumer car trop dense, ce roman de Miquel Bulnes, en réalité Michiel Ekkelenkamp de son vrai nom et originaire des Pays Bas, brosse le portrait de toute une faune de personnages allant d'un prêtre ayant une curieuse façon d'aider son prochain, à des politiques plus ou moins corrompus, d'enfants martyrisés, de dangereux sadiques, de policiers vengeurs et de prostituées au grand coeur ( enfin pas toutes!), le tout avec des allées retours continuels sans que jamais l'on ne soit perdu en chemin. Tout ce beau monde va se retrouver, se heurter et s'affronter dans un immense jeu de pouvoir. C'est un vrai roman choral auquel on a affaire ici mais qui jamais ne tourne comme on le penserait de prime abord, ceci en parti dû au parti pris de l'auteur de sans cesse nous surprendre par une construction du récit éclatée où il prend plaisir à nous emmener aux origines de tels ou tels personnages, pourvu qu'ils soient importants pour la suite du récit. Et si au début, on peut être un peu désarçonné par cette façon de procéder, lorsque arrive la moitié du roman, on comprends alors seulement l'ambition de l'auteur et par là même que l'on a affaire ici à un roman bien différent du tout venant habituel. On dépasse le simple roman policier ou même historique pour atteindre le roman ultime, celui dont sait qu'on ne pourra jamais l'oublier, celui dont on sait que dans vingt ans, on le recommandera encore en disant juste cette phrase: "Une fois terminé, on a l'agréable impression de ressortir plus intelligent sans pour autant s'être ennuyé." C'est bien simple, malgré son imposant nombres de pages, il n'aurait pas été vain d'en ajouter une centaine de plus(!) pour connaître le dénouement de certains personnages, car oui, il reste des zones d'ombres: sexuellement comment se situe Santamaria? Comment s'en est il sorti dans le Rif? Quel devenir pour les prostituées et le prêtre? Ainsi que pour Ubrique, Serafin...bref c'est une Comédie Humaine à taille compréhensive qu'a ecrit Bulnes, qui à n'en pas douter a l'âme d'un vrai grand conteur.
Un chef d'oeuvre qui ne peut décemment être noté!