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Message Publié : 04/08/2007 16:27 
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Entièrement d'accord avec vous. Ils sont vraiment excellents ces deux là !


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 Sujet du message : un extrait de l'aliéniste
Message Publié : 04/08/2007 16:41 
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Extrait

8 janvier 1919

Théodore est en terre.
Ces mots semblent vides de sens sous ma plume, aussi vides de sens que, cet après-midi, la vision de son cercueil disparaissant dans le sol sableux près de Sagamore Hill, l'endroit qu'il chérissait entre tous. Debout dans la bise de janvier qui giflait le détroit de Long Island, je pensais en moi-même : " C'est une farce, bien sûr. Il va faire sauter le couvercle, il va nous éblouir de son grand sourire ridi-cule et nous briser les tympans de son rire strident. Ensuite, il va nous crier qu'il y a "du pain sur la planche", que nous devons "retrousser nos manches" parce que nous sommes tous mobilisés pour aller défendre une variété rarissime de salamandre contre la rapacité d'un géant industriel prêt à installer sans vergogne une immonde manufacture en pleine zone de reproduction de ces petits batraciens. " Et je voyais bien que je n'étais pas seul à nourrir de telles divagations. Tous ceux qui assistaient aux obsèques attendaient une sorte de coup de théâtre ; cela se lisait sur leurs visages. Il semble bien que ce sentiment soit largement partagé dans le pays, et même dans le monde : la disparition de Théodore Roosevelt est, tout sim-plement, une idée inacceptable.
Depuis quelque temps, déjà, Théodore était sur le déclin mais per-sonne ne voulait le remarquer. Cela avait commencé après la dispari-tion de son fils Quentin dans les derniers moments de la Grande Boucherie. Un jour, avec ce mélange d'affection et de causticité très britannique qui le caractérisait, Cecil Spring-Rice avait déclaré que, pour lui, Théodore avait toujours regardé la vie avec l'œil d'un enfant de six ans, et Herm Hagedorn d'ajouter que le petit garçon était mort en lui à l'instant où son fils avait été abattu en plein ciel pendant l'été de 1918. Ce soir, en dînant chez Delmonico's avec Laszlo Kreizler j'ai évoqué cette remarque de Hagedorn, ce qui m'a donné droit à une longue dissertation sur le fait que la mort de Quentin n'avait pas seulement été une terrible souffrance pour Théodore mais qu'il en avait également conçu une grande culpabi-lité, la culpabilité d'avoir toujours prêché auprès de ses enfants les vertus du zèle et de l'engagement actif, de telle sorte que, bien souvent, ces derniers allaient délibérément à la rencontre du danger afin d'être agréables à leur père bien-aimé. Le deuil, avais-je remar-qué, était un tourment insoutenable pour Théodore. A chaque fois que quelqu'un de proche disparaissait, on avait l'impression qu'il ne survivrait pas à l'épreuve. Mais c'est seulement ce soir, en écoutant Kreizler, que j'ai saisi à quel point le doute moral était également insupportable pour ce vingt-sixième président des États-Unis qui, parfois, semblait se considérer lui-même comme la Justice faite homme.
Kreizler n'avait pas voulu assister aux obsèques. Dieu sait pourtant combien Edith Roosevelt aurait apprécié sa présence. Elle avait tou-jours eu un faible pour l'homme qu'elle appelait " l'énigme ", ce médecin brillant dont les travaux sur le psychisme humain ont dérangé tant de gens au cours des quarante dernières années. Mais Kreizler lui avait fait porter un billet expliquant que l'idée d'un monde sans Théodore lui était odieuse et qu'aujourd'hui, à l'âge de soixante-quatre ans, après avoir consacré la plus grande part de son temps à regarder, bien en face et à la loupe, la vie dans toute son hor-reur, il estimait avoir droit à un peu de relâche et choisissait d'igno-rer le départ de son ami. Tout à l'heure, Edith m'a avoué avoir été émue aux larmes par ce billet car il signifiait que l'affection et l'enthousiasme débordants de Théodore - qui ulcéraient les cyniques et qui, dois-je ajouter par souci d'honnêteté journalistique, étaient parfois difficiles à supporter, même pour ses amis - avaient été assez forts pour toucher un homme qui s'était détaché de la société humaine au point d'être considéré comme asocial par la plupart de ses contemporains.
Quelques camarades du Times voulaient que je prenne part à un " dîner du souvenir " mais une paisible soirée en compagnie de Kreizler me semblait préférable. Oh, ce n'est pas à l'évocation nostal-gique d'une enfance new-yorkaise commune que nous avons levé nos verres car Laszlo et Théodore ne se connaissaient pas avant Harvard. Non, ce soir, notre mémoire nous a, tout naturellement, rame-nés au printemps de 1896 - il y a pratiquement un quart de siècle - et à une série d'événements qui paraissent, aujourd'hui encore, trop invraisemblables pour s'être véritablement produits, même dans cette ville. Comme il était poignant de ressusciter tout cela et, sur-tout, de se retrouver là, à cette table de chez Delmonico's, ce bon vieux Del's, qui, comme nous tous, ne va pas en rajeunissant. A l'époque, en effet, ce restaurant avait été le théâtre fiévreux de nos réunions les plus cruciales. Après le dessert, à l'heure du madère, Kreizler et moi secouions la tête en souriant, encore étonnés aujourd'hui d'être arrivés au terme de cette épreuve sans y laisser notre peau et, bien sûr, toujours aussi affectés en songeant à ceux qui n'avaient pas eu notre chance.
Il est bien difficile de retracer cette affaire dans toute sa complexité et, pour éviter l'écueil de la description simpliste ou cari-caturale, je ne vois qu'un moyen : tout raconter à partir de la pre-mière macabre découverte. Il me faudra même aller plus loin en arrière, jusqu'au temps de Harvard, lorsque Théodore, Laszlo et moi--même suivions l'enseignement du professeur James. Oui, tout bien réfléchi, je dois remonter aux sources et faire connaître au public la chronologie de notre cheminement. C'est la seule démarche accep-table. Mais il est très possible que ledit public n'aime pas cela. A la vérité, c'est pour le ménager que nous avons gardé le silence durant de si longues années. Même aujourd'hui, bien peu de nécrologies ont mentionné ces faits parmi les succès de Théodore lorsqu'il était pré-fet de police à New York, de 1895 à 1897. Seul le Herald dont le lec-torat s'est, de nos jours, réduit comme une peau de chagrin, mention-nait assez précipitamment, il faut le dire, " la résolution des effroyables meurtres qui ont commotionné la ville en 1896 ". Théo-dore, il est vrai, n'avait jamais revendiqué ce succès comme étant le sien. Certes, la décision de confier l'enquête à un homme qui fût réellement capable de la mener à bien était, indiscutablement, le fruit de son ouverture d'esprit. Mais, en privé, c'est à Kreizler qu'il attribuait tout le mérite de cette opération. Il lui eût été difficile de le faire publiquement. Théodore savait que le peuple américain n'était pas prêt à le croire, pas même prêt à entendre les détails de l'affaire. L'est-il davantage aujourd'hui? Kreizler, pour sa part, en doute. Je lui ai dit, ce soir, mon intention d'écrire cette histoire. Il m'a gratifié d'un de ces ricanements sardoniques dont il a le secret puis a déclaré que la publication d'un livre aurait pour seul résultat de faire peur aux gens et de les rebuter. D'après lui, le pays n'a guère changé depuis 1896 malgré tout le travail de Theodore, Jake Riis, Lincoln Steffens et de nombreux hommes et femmes de la même trempe. Selon Kreizler, nous autres, Américains, n'avons jamais cessé de cou-rir. Quand personne ne nous regarde, que nous sommes seuls face à nous-mêmes, nous courons, toujours aussi rapides et peureux que naguère, pour fuir les ténèbres que nous savons cachées derrière la porte de tant de foyers apparemment sans histoire, pour fuir les han-tises greffées dans la cervelle des enfants par ceux-là même que la nature leur dit de croire et d'aimer, nous courons, plus pressés et plus nombreux encore, vers le mirage de ces potions, de ces médica-tions, de ces prêtres, de ces philosophies, qui nous promettent de ter-rasser nos frayeurs et nos cauchemars et qui nous réclament, en échange, une dévotion servile.
Est-il possible que Laszlo soit dans le vrai ? Mais trêve de digres-sion, venons-en donc aux faits !

Caleb Carr


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Message Publié : 13/11/2007 15:58 
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En fait vous l'avez tous lu il y a longtemps L'Aliéniste ... toujours à la bourre moi :oops: J'ai commencé un autre livre pour me replonger dans une intrigue plus contemporaine, mais je retourne direct après au début du XXème ( merci raven et montse)


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Message Publié : 13/11/2007 16:11 
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Je n'ai lu que l'Alieniste mais j'ai moi aussi beaucoup aimé, il faut dire que déjà j'adore la période fin 19è début 20è, et assister aux balbutiements de la police scientifique m'avait passionnée !


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Message Publié : 29/05/2008 19:34 
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Inscription : 10/09/2007 18:39
Message(s) : 3808
Localisation : Dijon
Ayant fini "l'Ange des ténèbres", j'y ai retrouvé avec plaisir toute la clique du Docteur Kreizler, Stevie en tête (il m'avait laissée relativement indifférente dans le premier, je suis contente d'avoir ainsi pu faire sa connaissance !).
Je l'ai aussi trouvé très très bien, la personne qu'ils doivent arrêter est véritablement effroyable d'ailleurs[spoiler]je trouve que l'idée qu'elle se voit comme des allégories de la femme est bien rendue dans le récit, Libby nous apparait effectivement comme l'avatar de la meutrière infanticide[/spoiler].

Certains moments m'ont même particulièrement émue [spoiler]la mort de Kat par exemple :cry: [/spoiler]

Seul regret : la fin laisse présager que l'on ne retrouvera pas les personnages pour une autre affaire...

_________________
Je ne sais pas ce qui est beau, mais je sais ce que j'aime et je trouve ça amplement suffisant.
(Boris Vian)


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Message Publié : 30/05/2008 15:48 
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Message(s) : 3777
Localisation : Saint Etienne
:marteau: je vais faire des recherches sur Caleb Carr car c'est dommage on entend plus parler de lui ??? :mefie: a-til renoncé à l'écriture ?


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Message Publié : 23/07/2013 08:29 
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Inscription : 17/10/2006 14:00
Message(s) : 2075
Localisation : Belgique- BW
J'ai enfin lu l'Aliéniste.
Et je suis très déçue. Vu tous les éloges, je m'attendais à quelque chose d'extraodinaire mais je me suis ennuyée. Il y a de bons passages d'analyse psychologique mais la plupart du temps, ça traîne je trouve. Les 2 premiers tiers du livre tirent en longueur. Et le meurtrier à la fin me semble trop lamentable pour être vrai.
:sceptique:


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