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Message Publié : 24/03/2008 21:07 
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On en parlait sur un débat donc je vous propose un premier test en attendant d'autres auteurs volontaires voici deux nouvelles que je viens de dénicher dans mon ordinateur les sujets ne sont pas les mêmes mais allez toute fois reconnaitre le sexe des auteurs (il peut y avoir deux hommes ou deux femmes ou un homme et une femme sinon c'était trop facile ) attention aux pièges
Pour les plus fort vous pouvez même essayer de trouver les noms des auteurs


Dernière édition par Stéphane le 24/03/2008 21:15, édité 2 fois.

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Message Publié : 24/03/2008 21:08 
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Nouvelle numéro 1 :


Descendre au quartier Sodo, c'est descendre en enfer. On s'y laisse détruire à petit feu. Ou alors, on en remonte. À la condition d'être complice des ténèbres.
Sodo n'existe que la nuit. Le jour, sa population disparaît. Nulle trace d'âme qui vive. Mais le mot âme ne veut d'ailleurs rien dire ici. Quand on franchi les grandes portes de bois, le corps se "désâme" à la recherche du plaisir et de la souffrance.
Garde le contrôle. Mon corps doit se conditionner à ce leitmotiv. C'est essentiel. Et ça fonctionne.
Une fois sur quatre.

***

Les rues sont toujours humides à Sodo. Les trottoirs glissants. Les lampadaires agonisants. La lune noire.
Les habitants sont aux aguets. Les passants aveugles. Les touristes victimes. Moi, je suis d'une autre catégorie.
Je marche rapidement, bravant pluie, vent et brume. Les seuls représentants de la nature dans le ghetto. Au coin de Long Détour et Du Deuil, je m'arrête devant une maisons en pierres. L'ampoule rouge de la lanterne éclaire le chiffre cent vingt, peint au pinceau, à gauche de la porte. Je frappe les trois coups, embrasse la petite gargouille en bronze et glisse ma langue dans l'orifice métallique très froid situé entre ses pattes. J'attends la permission d'entrer. Elle m'est donnée quelques secondes plus tard. J'avale la poudre qu'on a déposée sur le bout de ma langue. Puis j'enfonce mon index droit dans la serrure rouillée.
De l'autre côté, le vieil Ambroise m'accueille. Il y a longtemps qu'il n'a plus d'âme. Et maintenant, il est en train de perdre le corps. Il n'est plus qu'un squelette enveloppé d'une mince couche de peau.

- Tu viens pour le travail, ce soir. N'est-ce pas ?
- Comment le sais-tu ?
- Ton corps est raide. Tu essaies de te contrôler.
- Je viens pour le travail.
- Dommage, j'ai découvert de nouveaux plaisirs.

Je tressaille. Mes mains s'agitent nerveusement. Je serre les poings. Garder le contrôle.

- C'est impossible. On ne peut découvrir continuellement de nouveaux plaisirs. Il doit exister une limite.

Ambroise ricane. Je pense à la mort. C'est peut-être lui qui m'y fait penser. Ou la poudre. Ou les deux.

- Que veux-tu si tu n'es pas là pour satisfaire ton corps ?
Je sors la photo d'un homme de la poche de mon manteau et la lui tend.
- Sais-tu où je peux le trouver ?

Il me regarde. Surpris.

- David a des problèmes avec la loi ?
- Ça se pourrait.
- On l'apprécie beaucoup. Il est très raffiné. Il est toujours au 62 Du Temple.
- Merci.

Le vieil homme s'approche de moi. Me touche l'avant-bras.

- Ne nous enlève pas David. Pas lui.

Je ne réponds pas. Je quitte Ambroise.
Je sens que je viens de le voir pour la dernière fois.

***

La pluie a cessé. Le vent est plus violent. Je ne croise que des êtres ambigus. Des couples incertains. Des vieillards pervers. Je me concentre pour reprendre le contrôle de mes mains.
Le 62 Du Temple est semblable aux autres maisons en pierres de Sodo. L'ampoule mauve de sa lanterne indique qu'un nouvel habitant y réside. Je frappe les trois coups, embrasse la gargouille, mais ne peut glisser ma langue dans l'orifice. Il est bloqué de l'extérieur par une pièce de fer ronde. Même chose pour la serrure dans laquelle je ne peux insérer mon doigt. Tout cela ne respecte pas le code de Sodo. J'entre quand même.
L'intérieur est à l'opposé de chez Ambroise où il n'y a qu'un grabat sur le sol de ciment. Ici, le feu crépite dans l'âtre en pierre, un divan garni de coussins invite à s'allonger, de vastes tapis exotiques donnent envie de retirer ses bottes et des lourdes tentures dramatiques donnent à la pièce l'atmosphère d'un décor de théâtre.

- Enfin, te voilà !

Un homme apparaît soudain de derrière un paravent. En quelques pas, il est devant moi. Il s'empare de mon visage et le lèche rapidement, en un seul long coup de langue, du menton à la racine des cheveux.

- Tu goûtes le désir.

Il suffit que ses yeux verts croisent les miens. Alors tous les garde le contrôle s'anéantissent dans ce qui me reste d'âme.

- Tu me donnes soif, ajoute-t-il. Je vais chercher à boire.

J'observe s'éloigner l'impressionnante carrure couverte de longs cheveux blonds. Je ne comprends pas. Je n'ai jamais vu cet homme avant ce soir. Pourquoi dit-il Enfin, te voilà ? Comment pouvait-il m'attendre ? Il attendait quelqu'un d'autre et il se méprend.
Je regarde autour de moi. Je ne suis en sécurité nulle part. Je n'ai plus le contrôle. Pourtant, je dois faire mon travail. Je dois mener cette enquête.
L'homme revient. De face, il est encore plus imposant. À la fois Viking, guerrier romain et dieu grec. Il porte une courte robe de suède noir et métal. Ses avant-bras sont couverts de lanières de cuir. Il est pieds nus.
Il dépose un plateau, chargé d'une carafe et de deux gobelets en bronze, sur une table basse.

- Un peu de sang ?

Je veux dire non. Mais je réponds oui.
Le Viking verse le liquide sombre et un peu épais dans les gobelets. Il me tend le mien.

- À la perversion et la souffrance ! dit-il en approchant pour trinquer.

Je suis incapable de bouger.

- Es-tu David ?
- Qui veux-tu que je sois d'autre ?
- Personne.
- Tant mieux.

Impatient, David - si c'est bien lui - presse ma nuque de sa large main et me force à boire. Une fois que le gobelet est vide, il le lance par terre. Puis, avec sa langue, il nettoie les coulisses de sang sur mon menton.

- Tu devrais te mettre à l'aise. La nuit va être longue.

Je laisse glisser mon manteau. Et me laisse tomber sur un fauteuil. David s'allonge sur le divan, juste à côté, son gobelet dans une main.
Je fixe d'abord les flammes. Je ferme ensuite les yeux. J'essaie de trouver mon âme. De savoir où elle se cache en ce moment. Mais j'ai beau chercher, je ne la sens nulle part en moi. Il n'y a pu de contrôle possible. Je dois pourtant faire mon travail. Une idée folle me traverse le corps. Un long frisson. Et si j'étais capable de sonder le suspect en utilisant mon corps ?

- Pourquoi tu essaies de réfléchir ? Nous ne sommes que chair.
- Pourquoi as-tu dit "Enfin, te voilà !" à mon arrivée ?
- Ta mémoire te jouerait-elle des tours ? Tu viens ici depuis bientôt six mois, au moins deux fois par mois.
- C'est impossible. Je m'en souviendrais.
- Le corps n'a aucune mémoire. Que des sensations immédiates et intenses qu'il oublie.
- C'est faux. Le corps a aussi sa mémoire.

Les pupilles de celui qui doit être David sont éblouissantes. Je dois détourner le regard.

- Sais-tu pourquoi tu es ici ce soir ? me demande-t-il.
- Tu es suspect dans une histoire de meurtre et je suis responsable de l'enquête. Je suis là pour te poser des questions.
- Que de rationnalité ! Dans quelques minutes, tes sens, ton corps, toute ta chair prendront le dessus.

Je veux répondre non. Dire que je lutte. Que j'essaie de retrouver le contrôle. Mais c'est autre chose qui sort.

- Je sais.
- Tant mieux.

Le Viking vient remplir mon gobelet. Accroupi devant mon fauteuil, carafe en main, il me questionne d'une voix envoûtante.

- Le reconnais-tu ?
- Quoi ?
- Le sang de ta victime.
- Quelle victime ?
- La dernière. Elle n'est pas encore morte, tu sais. Je la garde en vie pour toi. Pour que tu puisses boire son sang.
- Je n'ai tué personne.
- Personne ne tue personne à Sodo. Chacun est responsable de sa propre mort. Tu devrais pourtant le savoir.
- Je ne sais rien. C'est pourquoi je suis là. Pour te poser des questions.
- Si tu cessais de jouer...
- Je ne joue pas. C'est mon chef qui m'envoie.
- Il n'y a jamais eu de chef. Il n'y a que nous deux. Nos deux corps.

David dépose la carafe sur le plateau. Puis, il sort un couteau à lame courte de sous sa robe. D'un geste violent, il arrache le haut de son vêtement de suède. Son torse imberbe est couvert de longues cicatrices. Il me tend le couteau.

- C'est pour cela que tu es ici. Pour fendre ma chair et voir couler mon sang.

Dans un repli de mon corps, j'entends c'est impossible. Pourtant, je m'empare du couteau et glisse le bout d'un doigt sur le métal tiède. Puis, j'approche l'arme du visage de David. Je caresse ses joues avec le plat de la lame. Fais glisser la pointe sur ses sourcils, puis sur son nez. Enfin, j'enfonce doucement la lame, à l'horizontale, entre ses lèvres. Pendant tout ce rituel, j'arrive à soutenir son regard perçant.
J'observe son torse, comme on observe une oeuvre d'art. Serait-ce vraiment mon oeuvre ? Comment cela est-il possible ?
David retire le couteau de ses lèvres et me le tend de nouveau. Une fois que je le tiens, sa main se ferme sur la mienne. Il guide nos mains vers son torse dans lequel nous enfonçons la pointe de la lame.
Le Viking émet une sorte de plainte sensuelle qui m'incite à faire glisser la lame en diagonale dans sa chair. Un sillon rouge se dessine sur sa poitrine. Je laisse tomber le couteau sur le tapis et me penche vers la blessure pour la sucer.
David s'empare du couteau et fend le tissu de mon chandail.
C'est à ce moment là que je me souviens. Au moment où la lame s'enfonce dans mon dos et que ma chair s'ouvre. Je me mets à hurler. Mon corps confond souffrance et plaisir. La douleur est inhumaine. Je me laisse choir sur le tapis. David trace une ligne parfaite. Je sens le sang couler. Mon sang. Une langue qui lèche. Sa langue.

- Je voulais que toi aussi, tu connaisses le feeling. Juste une fois.

***

J'ai dû perdre conscience. Quand je reprends mes esprits, David est allongé près de moi, sur le ventre. Tout l'arrière de son corps n'est qu'une horrible toile de sang séché, d'entailles, de peau déchirée et de plaies infectées. À côté de lui, sur le tapis, le couteau maculé.
Je n'ose regarder mon corps, de peur qu'il ne ressemble à celui du Viking. À tâtons, je me caresse pour réaliser qu'à part une douleur que je ressens au dos, ma peau est dénuée de toute blessure.
Je me lève. À coups de pied, je retourne le corps de David sur le dos. Il est complètement défiguré. Et il est mort. Dommage. Je voudrais lui dire que je l'ai aimé.
C'est quand même la plus belle oeuvre que j'ai jamais réalisée. Si j'avais un musée, David serait exposé à l'entrée.
Demain, dans la nuit, les habitants de Sodo viendront chercher le corps et ils l'incinéreront sur la place publique. Après demain, tout le monde aura oublié David.

***

Je quitte le 62 Du Temple avant que l'aurore se pointe. Les quelques rares passants qui circulent sur les trottoirs glissants ne me portent aucune attention.
Avant que se referment derrière moi les grandes portes de bois, je jette un dernier regard sur le ghetto nocturne, là où il n'y a ni herbe, ni arbre. Selon la légende, s'entrecroiseraient sous la terre de Sodo des racines démesurées qui formeraient d'innombrables souterrains habités par Satan.

***

On peut descendre à Sodo et y remonter. À la condition d'être complice des ténèbres. La prochaine fois que j'y passe la nuit, ce sera pour aller vérifier si la légende est vraie. Je veux aller jusqu'au bout. Je dois y aller. Je peux y aller. Puisque Sodo est en moi.
En attendant, je retourne dans la ville ou je vais m'efforcer de garder le contrôle.


Dernière édition par Stéphane le 24/03/2008 21:16, édité 1 fois.

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Message Publié : 24/03/2008 21:12 
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Nouvelle numéro 2 :

Grégoire Lévesque ouvre les yeux, la tête lourde, assis dans un vieux fauteuil. La pièce dans laquelle il se trouve lui est totalement inconnue. D'une dimension de quinze mètres sur vingt, ses murs sont en ciment et le sol, en terre meuble. La pièce est peu meublée: une armoire en métal, un coffre, une grande table avec des bracelets métalliques aux extrémités, deux ou trois objets qui traînent... Aucune fenêtre. Le tout éclairé par un néon maladif au plafond.

Sûrement une cave.La dernière chose dont se souvient Lévesque est son trajet habituel pour retourner chez lui. Il a quitté le journal vers 18 heures et est sorti du métro quinze minutes plus tard. Après avoir marché quelques minutes sur Mentana, il s'est engagé dans la petite ruelle qu'il prend tous les jours. Puis, en même temps qu'on le tirait par derrière, quelque chose d'humide s'est pressé contre son nez... et plus rien.

Première évidence: on l'a enlevé. On l'a enfermé ici, dans cette cave obscure et sale. Pourtant, il n'est pas attaché.

-- Comment vous sentez-vous?

Le journaliste sursaute et regarde derrière lui. Près d'une porte se tient un homme dans la trentaine, les bras croisés. Il fait quelques pas et s'arrête, étonné.

-- Vous avez l'air plus vieux en vrai, dit l'inconnu. Pourtant, vous avez à peine cinquante ans, non?

Lévesque le reconnaît et n'en croit pas ses yeux.

-- Alex Sirois!

-- Au moins, vous avez la décence de reconnaître les écrivains que vous plantez. Et comme vous les plantez presque tous, votre mérite n'en est que plus grand.

Alors Lévesque comprend: Sirois l'a enlevé pour se venger des mauvaises critiques du journaliste. Pathétique! Et surtout enfantin! Tous les médias sont en admiration devant Alex Sirois, le populaire écrivain de thrillers. Et la vedette n'accepte pas qu'un seul d'entre eux fasse entendre une voix discordante? Lévesque ne peut s'empêcher d'émettre un ricanement de mépris, mais Sirois, comme s'il avait lu dans ses pensées, lève un doigt:

-- Ce n'est pas ce que vous pensez. En fait, je tiens à vous dire que vous avez raison.

Le critique fronce un sourcil. Avec une moue contrainte, Sirois explique:

-- Dans vos critiques, vous dites que je décris des meurtres et des tortures, mais comme je ne connais pas moi-même la souffrance et la peur, je suis incapable, dites-vous, de les faire ressentir aux lecteurs. Et vous avez tout à fait raison. Un bon écrivain doit être curieux et vivre les émotions qu'il écrit s'il veut créer des personnages réalistes. J'ai donc décidé de suivre votre conseil.

Il commence à marcher de long en large sous l'oeil ahuri du journaliste.

-- Dans mon prochain roman, un étudiant intello est le souffre-douleur d'un dur à cuire. Durant une bonne partie du livre, le malabar donne une série de raclées à l'intello et je voudrais que cela soit très, très réaliste.

Les traits de Lévesque se contractent soudain d'inquiétude. Mais Sirois précise aussitôt:

-- Dans le roman, la narration sera du point de vue de l'intello.

Lévesque n'est pas sûr de bien saisir. Est-ce que Sirois est assez fou pour...

Le critique se rappelle qu'il n'est pas attaché. D'un bond, malgré sa tête toujours lourde, il se jette vers la porte, tente de l'ouvrir mais en vain.

-- La clé se trouve dans cette armoire, fait l'écrivain.

Il indique l'armoire de métal. Lévesque se précipite et constate qu'elle est fermée avec un cadenas.

-- Et le numéro de ce cadenas est ici.

Sirois pointe son front. Lévesque se tourne vers lui, déconcerté, tandis que l'écrivain, les mains dans le dos, ajoute:

-- Cette armoire renferme aussi l'antidote.

-- L'antidote?

-- Du poison que je vous ai injecté durant votre inconscience. Évidemment, c'est un poison que n'importe quel hôpital pourrait détruire en un tournemain, mais comme la clé de la porte est aussi dans l'armoire, je vous conseille de miser toutes vos chances sur celle-ci.

Il regarde sa montre:

-- Il vous reste environ une heure. Peut-être moins. Les vrais poisons ne sont pas aussi précis que dans les films, vous savez...

-- Vous êtes fou!

-- Vous n'en êtes pas à une insulte près.

Le critique s'approche de Sirois et constate que l'écrivain est non seulement plus petit que lui, mais plus maigre, plus chétif.

-- Donnez-moi le numéro!

-- C'est avec de tels arguments que vous espérez me convaincre?

Et Sirois prend une grande respiration, nerveux et excité à la fois.

Lévesque, après une brève seconde d'hésitation, donne un coup de poing à la mâchoire de son geôlier, un coup maladroit provenant d'un homme qui ne s'est pas battu depuis son adolescence mais qui est tout de même costaud. Sirois titube sous le choc et ouvre de grands yeux stupéfaits.

-- Ça alors! C'est la première fois qu'on me frappe, vous vous rendez compte?

Il masse sa joue:

-- C'est pas du tout comme je l'imaginais... Très intéressant...

Enragé par l'arrogance de l'écrivain, Lévesque porte un second coup, cette fois beaucoup plus précis et beaucoup plus fort. Sirois tombe littéralement sur le sol, se redresse et crache un jet de sang, ravi:

-- Vous m'avez cassé une dent! Il faut absolument que je me souvienne de cette sensation!

Il sort un calepin de sa poche et se met à écrire fébrilement, les lèvres dégoulinantes.

Affolé, Lévesque s'acharne sur le cadenas et l'armoire. En vain. Il fouille la cave, trouve une vieille batte de baseball et commence à frapper sur le cadenas. Il l'eut frappé avec un mouchoir qu'il aurait obtenu le même résultat. Il se tourne donc vers Sirois, batte levée, visage grimaçant.

-- Donne-moi le numéro, ostie de malade!

Sirois, qui s'est remis debout, fixe la batte, le regard étincelant d'une fascination malsaine.

-- Oh! Je crois que ça va... devenir... vraiment intéressant, là, non?

En grognant, Lévesque vise les jambes. La batte atteint le tibia et, en criant, l'écrivain s'écroule à nouveau. Aveuglé de rage, le journaliste donne deux, trois coups, principalement dans les flancs. Il s'arrête, à bout de souffle, et dévisage Sirois à ses pieds qui, malgré ses côtes cassées, ricane en regardant le plafond:

-- Vous aviez tellement raison, monsieur Lévesque... Je parlais de choses que j'ignorais complètement...

Il a un haut-le-coeur, grimace et bredouille:

-- Vous saviez, vous, que la douleur donne envie de vomir?

Éperdu, le critique lâche la batte et se dirige vers le coffre qu'il ouvre: tournevis, pince, marteau... Il prend les deux premiers et retourne à l'armoire. Pendant quinze minutes, il s'acharne sur le cadenas, mais réussit à peine à le rayer. Couvert de sueur, tremblant de peur, gémissant malgré lui, il se tourne vers Sirois qui, toujours sur le sol, écrit à toute vitesse dans son calepin, en remuant les lèvres silencieusement.

Alors, la rage et la terreur balaient le peu de sens moral qui, après quinze ans d'assassinats littéraires, subsistait toujours dans l'âme du journaliste. Il se jette sur son geôlier, s'assoit carrément sur lui et lève le tournevis en lui hurlant de lui donner le numéro. Aussi terrifié qu'excité, l'écrivain refuse. Le tournevis s'abaisse et cloue littéralement la main droite de Sirois au sol, provoquant un cri terrible.

«Dieu du ciel, qu'est-ce que je fais-là?»

Mais, tel un homme dévalant une pente si raide qu'il ne peut plus s'arrêter de courir, Lévesque lève à nouveau l'outil et, cette fois, le plante dans l'épaule gauche. Ensuite, c'est la pince qui se saisit du nez et qui le tord dans tous les sens, le casse et le broie. Lévesque, qui se serait cru incapable trente minutes plus tôt de poser des gestes aussi barbares, ne réalise plus ni la démence de ses actes, ni la souffrance qu'il inflige: il ne voit qu'un fou qui doit cracher les trois chiffres qui lui sauveront la vie, sa vie qui va s'envoler d'ici

trente minutes, et ce, pour rien, absolument

pour rien!

Sirois crie, hurle, vomit, râle, mais ne donne aucun numéro. Lorsque Lévesque lâche enfin son nez en charpie, l'écrivain a la force de marmonner, souriant sous le sang qui recouvre son visage:

-- Ah, monsieur Lévesque!... Grâce à vous, je vais vraiment devenir un grand écrivain!

La vision déformée, se sentant lui-même sur le point de basculer dans la folie, le critique approche son tournevis près de l'oeil en vociférant:

-- Je vais te crever les yeux, t'entends? Je vais te crever les yeux!

-- OK, ça suffit! ricane alors Sirois avec les quelques forces qu'il lui reste. Je pense que j'ai suffisamment compris, maintenant!

Il marmonne les trois chiffres. Lévesque se précipite sur le cadenas, le tourne avec des doigts tremblants, puis la porte s'ouvre. Il voit sur la première tablette une fiole qu'il prend et boit d'un seul trait. Il fronce les sourcils, regarde la fiole avec incrédulité et se retourne en clamant:

-- Mais c'est juste de l'eau, ça!

Il a tout juste le temps de voir Sirois, debout tout près de lui, batte brandie, avant que cette dernière ne l'atteigne en plein front. Étendu sur le sol, il ne perd pas conscience, mais est si étourdi qu'il ne peut bouger. À travers sa vision confuse, il voit Sirois prendre deux paires de menottes dans l'armoire. Il en met une aux poignets du journaliste, une autre à ses chevilles, puis se redresse. Ensanglanté, mal en point, il a tout de même repris une certaine vigueur.

-- À force de critiquer de mauvais polars, vous avez fini par y croire vraiment, marmonne-t-il. Vous avez réellement cru que je vous avais injecté un poison?

Lévesque a maintenant parfaitement recouvré ses esprits. Sur le sol, il se démène comme un diable mais, menotté aux mains et aux pieds, il ne réussit qu'à se tortiller de manière grotesque.

-- C'est vous qui vouliez souffrir! lance-t-il, désespéré. Vous vouliez comprendre les souffrances de votre narrateur, alors pourquoi vous en prendre

à moi?

Sirois crache du sang, caresse doucement son nez en bouillie.

-- Oh, mais je continue à agir en professionnel, ne craignez rien. C'est que, voyez-vous, durant une bonne partie du roman, le personnage narrateur est la victime, certes, mais au cours des derniers chapitres, il capture le dur à cuire qui lui a mené la vie si dur et, pour se venger, l'enterre

vivant...

Il retourne à l'armoire, en sort une pelle et lance un regard étincelant à son prisonnier.

-- Je dois comprendre toutes les sensations de mon personnage, vous comprenez?

Lévesque se met à haleter. Il ne ressent plus aucune colère. Il ne reste que la peur, pure, totale. Et tandis qu'il commence à creuser, Sirois s'exclame d'une voix émue:

-- Merci, monsieur Lévesque... Vos critiques à mon égard auront vraiment été constructives...


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Message Publié : 24/03/2008 23:18 
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comment c'est pas facile ! :schock:

on fait gros débat en disant que les femmes sont très psychologiques et tout et tout, que les hommes sont comme ci et pas comme ça....

et puis quand on nous met le nez dans de l'anonyme..... ben c'est pas gagné ! :marteau:



à vue de nez, je dirais 2 femmes...

le style de la première nouvelle me fait penser à un medley de Dracula et Entretien avec un vampire, à la sauce Club Van Helsing....ça me rappelle aussi le style d'écriture que j'ai rencontré chez K.Giebel avec ses phrases très courtes, précises....
pourquoi je pense à une femme ?
je ne sais pas trop....peut être parce que dans ce texte il y a un style "sensuel" (je ne sais pas comment expliquer, ne voyez rien de pervers dans cette remarque hein ! :x :mrgreen: )
ça me parait plus cérébral et très riche au niveau des émotions... (plaisir, raffinement, souvenir, oubli)


la deuxième nouvelle (je la trouve super ! quelle imagination !),
je dirais que c'est aussi une femme qui a écrit ça.... même si c'est plus saignant le choix des armes m'a l'air plus "féminin" (chloroforme sans doute pour l'enlèvement, puis le poison factice très "anxiogène" jusqu'au dénouement)
la batte et la pelle ? oui, je sais, c'est plutôt "brut de pomme" ! :mrgreen:
mais c'est moins radical et masculin qu'une arme à feu !



mais l'anonymat semble finalement cacher le genre de l'auteur ! :pinch:
j'en suis à me demander où est le piège !!! (je suis presque sûre qu'il y en a un ! )
bonne idée ce petit test stfoch ! :thup:
ça va donner de la texture au débat...




les modos sont gentils 54


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Message Publié : 25/03/2008 06:47 
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La deuxième tu l'as déjà mise en ligne Stfoch : sifflote : Donc je me tais car je sais qui l'a écrite cette nouvelle !

La première j'aurais moi aussi dit une femme, je ne sais pas trop pourquoi, peut-être le rapport et la maitrise du corps... Par contre je n'arrive pas à déterminer le sexe du narrateur... (mais j'aime beaucoup le style !)

_________________
Je ne sais pas ce qui est beau, mais je sais ce que j'aime et je trouve ça amplement suffisant.
(Boris Vian)


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Message Publié : 25/03/2008 07:57 
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alors là, je sèche complètement, cette nouvelle ne me dit rien ! :oops:
(faut dire qu'on en lit tellement !)

serait-ce quelqu'un du forum ?????????
peut être même toi stfoch en fin de compte ! t'écris pas mal, ça pourrait en fait......... :mrgreen: non ?????

je pense de plus en plus avoir fait une erreur ! :mrgreen: :mrgreen:



les modos sont gentils 59


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Message Publié : 25/03/2008 08:06 
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Localisation : Ravenie du nord de l'est.
Yééééé pour une fois que j'ai trouvé !! Y a des fois ou je me dit que je fais vachement bien traîner sur certains sites :grin:


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Message Publié : 25/03/2008 08:43 
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Localisation : Jura
:schock: et bien, je ne pensais pas que cela serait aussi dur!

Pour la première je pense à un homme, mais je suis bien incapable de justifier mon impression...par contre, le narrateur pour moi c'est un homme. Tu me mets un doute là Sybil...vais la relire en pensant que c'est une femme pour voir!

Pour la deuxième, à part dire que c'est une ou un québécois! Non, vraiment je ne sais pas...Patriiiiiiiiiiiiiick?

_________________
Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... j'ai la certitude d'être encore heureuse.
Julette Renard.


Plus une eau est pure, moins il y a de poissons. (proverbe chinois)


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Message Publié : 25/03/2008 09:01 
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Message(s) : 3808
Localisation : Dijon
Hihi j'ai trouvé qui avait écrit la première nouvelle en allant vérifier sur le site internet de la personne que je pensais :mrgreen:
[spoiler]Mais je crains d'avoir trouvé plus à cause de ce que je sais des "influences" actuelles de Stfoch qu'autre chose :oops:[/spoiler]

Edit : j'ai mis ma deuxième phrase en spoiler pour que ça n'influence pas les gens !

_________________
Je ne sais pas ce qui est beau, mais je sais ce que j'aime et je trouve ça amplement suffisant.
(Boris Vian)


Dernière édition par Sybil le 25/03/2008 11:48, édité 1 fois.

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Message Publié : 25/03/2008 09:37 
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Inscription : 03/07/2006 06:35
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Localisation : Lille
On ne donne pas d'indice pour les autres :wink:


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Message Publié : 25/03/2008 21:00 
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Lecteur curieux
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Inscription : 21/11/2007 14:34
Message(s) : 71
Localisation : Utopia
Il suffit que ses yeux verts croisent les miens. Alors tous les garde le contrôle s'anéantissent dans ce qui me reste d'âme.


Ca veut dire quoi, ça ? (1ère nouvelle)

_________________
Je suis femme, mon rôle est de relier les être entre eux


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Message Publié : 30/04/2008 10:09 
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Inscription : 24/10/2006 12:33
Message(s) : 2877
on pourrait avoir la réponse pour les auteurs maintenant ?
ça fait plus d'un mois qu'on cherche ! : sifflote : :mrgreen:


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Message Publié : 30/04/2008 10:15 
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Inscription : 03/07/2006 06:35
Message(s) : 7231
Localisation : Lille
C'est deux nouvelles de nos auteurs québécois préférés

Le texte 1 c'est Natasha Beaulieu

et

Le texte 2 : Patrick Senécal


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Message Publié : 30/04/2008 17:43 
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Inscription : 24/10/2006 12:33
Message(s) : 2877
bon ben j'ai juste pour le 1er ! :mrgreen:

mais je me suis fait eue pour le 2ème ! : sifflote :

comme quoi, ça veut rien dire........ :wink:


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Message Publié : 01/05/2008 11:20 
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Lecteur gourmand
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Inscription : 02/11/2007 11:48
Message(s) : 1189
Localisation : Ramonville loin du Québec
:grin:Je commence a comprendre pourquoi il a été écrit sur ce forum en rigolant qu'au Québec on était tous fuckés :schock:

Ceci dit, j'y retourne cet été et j'ai bien l'intention de me procurer du Beaulieu et du sénécal. Le dernier, vu que je l'ai pas gagné sur plume libre :decu:

Vous m'avez prouvé mes ptites plumes que je suis plus du tout au courant de ce qui se passe chez moi, du moins coté littéraire.

Pour ceux qui serait intéressé a découvrir d'autres oeuvres d'auteurs du québec, vous pouvez aller faire un tour sur la page de radio-canada.Ils organisent le prix des lecteurs en ce moment.

_________________
Il y a trop de livres à lire.


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