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À Bovenmeer, l'année 1988 n'a donné naissance qu'à trois enfants: Eva, la narratrice, Pim et Laurens. Les trois vont devenir complices au point de se nommer eux-mêmes les trois mousquetaires. Inséparables aussi bien en classe que à l'extérieur, cela leur permet d'oublier leur milieu respectif, la ferme pour Pim, la boucherie familiale pour Laurens et la cellule familiale pour Eva, dont la jeune sœur s'enferme peu à peu dans d'étranges manies.
Tout cela semble réuni pour lire un roman "à la vie, à la mort" genre "nous trois unis contre le reste du monde"? Alors si vous croyez cela, surtout ne lisez pas ce roman!
...ne lisez pas ce roman si vous n'avez pas le cœur bien accroché. C'est un conseil que je vous donne parce que ce livre vous le garderez en mémoire pour toute votre vie et pas pour de bonnes raisons ! C'est un livre choc à placer au même niveau que Le Vide de Senecal ou Une fille comme les autres de Ketchum. Seulement, classé en catégorie roman il me rappelle également : Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Shriver. Au niveau écriture, c'est du même acabit. Un exemple : "D'abord, il faut trouver le sujet de la principale, a répondu Élisa en articulant comme une institutrice. Par exemple dans la phrase: Élisa explique la règle à Eva, qui l'écoute. Qui fait l'action ? Elisa. C'est elle qui explique (...) Eva est donc le complément d'objet de la subordonnée. j'ai déduit de ces explications qu'elle en savait encore moins que moi. Le lendemain je l'ai laissé rater son interro. Parce qu'en fin de compte elle avait raison. Tant qu'on serait dans la même phrase je resterai sa subordonnée."
Je n'ai pas choisi cet extrait par hasard. Il amorce en effet le drame qui va survenir cet été là. Car au début ce n'était qu'un jeu. Pim et Laurens rêvaient de découvrir ce qui se cachait sous la culotte des filles. Après les avoir notés, il fallait trouver un levier. Celui ci serait une énigme qu Eva trouverait et enoncerait en étant la caution féminine de ce jeu. Quelle fille se mefierait en voyant une autre de leur collègue du même sexe? Ainsi complice, Eva va voir défiler un certain nombre de filles obligées de se déshabiller suite aux mauvaises réponses (même si cela ne fonctionne pas à chaque fois pour diverses raisons), le but ultime de Pim et Laurens étant d'arriver à Élisa, la seule créditée d'un 9.5. Sauf qu'ils ne savent pas que Eva a donné la solution de l'énigme à celle-ci. À partir de ce fait somme tout anodin va se dérouler un drame effroyable ( et je pèse mes mots !!)
L'auteur, intelligemment, nous fait voyager un coup dans le passé, un coup au présent, celui-ci nous faisant assister à l'anniversaire de la mort du frère aîné de Pim auquel assiste toutes les personnes du village rencontrés dans les souvenirs de Eva. Eva, jamais vous n'oublierez ce petit bout de fille, qui a un tel besoin d'être aimé, là où ses parents alcooliques (incroyable chapitre à ce propos nommé "Quizz des associations") et son frère aîné Jolan passionné d'insectes ne lui accorde aucune attention, obligée de se tourner vers cette cadette Tessie prénommée ainsi pour rendre hommage à la sœur jumelle de Jolan décédée quasiment à la naissance. Cela vous pose le niveau des parents. Alors que faire d'autre si ce n'est se rapprocher des deux seuls amis qu'elle connait depuis toute sa jeunesse, même si Pim commence à tourner sournois et à de drôles d'idées en tête. Reste pourtant Élisa mais très vite celle-ci va laisser tomber Eva pour se rapprocher des autres filles de l'école, le fameux effet "phénomènes de groupes". Ces dernières n'ayant que le sexe en tête, Eva va elle aussi passer son temps à se comparer, dénigrant même "la moule" d'Elisa aperçue dans les vestiaires. Cette partie de son sexe qu'elle utilisera comme une litanie pour se prouver qu'elle a au moins quelque chose de plus jolie que son ex copine... jusqu'au drame final ne pouvant plus ne l'utiliser qu'au passé.
Difficile de trop en dire si ce n'est que ce roman, totalement impossible à adapter au cinéma (et pour cause!), mérite d'être découvert et est sans conteste mon premier choc littéraire de l'année.
Attention cependant, âmes sensibles s'abstenir !
...et méditez cette phrase sortit du livre, tellement prémonitoire : " Il faut d'abord que les choses arrivent pour pouvoir les regretter". À noter que la couverture originale belge est bien plus parlante que celle choc des éditions Actes Sud qui ne reflète pas réellement le bouquin.
6/5