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Joyce Carol Oates . Les chutes
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Auteur :  syl [ 03/08/2008 09:08 ]
Sujet du message :  Joyce Carol Oates . Les chutes

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J.C.O ne semble pas encore figurer pour l'instant dans
la liste des plumes libres. C'est un auteur extremement prolifique
et multitalentueux, à découvrir.

L'été dernier j'avais lu "Les Chutes". Voilà mon compte rendu de l'époque que je fais figurer en mode "citation". Les chutes est un extraordinaire voyage à la frontière Américano-Canadienne, en lune de fiel, chez les fondamentalistes religieux, les promoteurs, et même à la limite de l'au delà.

Citer :
L'INTRIGUE.
Dans la suite nuptiale du Rainbow Grand Hotel à Niagara Falls (dans l'état de New York) , au lendemain d'une nuit de noces humiliante, Ariah Littrell-Erskine, fille et épouse de pasteurs presbytériens se réveille abasourdie et ...veuve. Son jeune époux se serait jeté dans les Horseshoe Falls.

Les recherches durent sept jours pendant lesquels celle que la presse locale surnomme désormais "la veuve blanche des chutes" erre, vaguement désespérée, tandis que Dirk Burnaby, un avocat en renom , s'éprend physiquement de cette jeune femme mélancolique (1ere partie) et ne tarde pas à s'en faire épouser. Pourtant le bonheur relatif du couple ne durera que 10 ans. Une autre femme , victime d'un scandale écologique et financier, accapare bientôt le brillant avocat qui finit par disparaître de la circulation .(2e partie) . Suicide? Meurtre? ou Fuite de la part de Dirk ? son épouse Ariah encaisse le coup.
Il appartiendra aux enfants Burnaby de résoudre ce mystère et de découvrir les causes de la tragédie qui a séparé leurs parents tout en plongeant la famille dans le dénuement.
(3e partie).

Les Chutes c'est une saga familiale dramatique sur fond de quiproquos et de larmes contenues, évocatrice pour moi -en beaucoup moins pastoral- du "pays du Dauphin Vert" d'Elizabeth Goudge , c'est l'histoire aux relents d'échec d'une femme vaillante et obstinée en proie à une lutte qui l'oppose pied à pied à son entourage et à un destin contraire , à moins que ce ne soit surtout à ses propres démons.
C'est également un roman (de société) dichotomique dont le premier chapitre situé dans les années 50 prône le droit à la différence et brosse au passage un tableau sans complaisance des milieux presbytériens anti -Darwinistes.

Les deux parties suivantes, sur fond de menaces écologiques, dénoncent un univers cupide et corrompu , celui de l'expansion industrielle d''une Amérique des années 60 où éclata l'affaire de "Love Canal", scandale qui ne fut pas fictif et dont les remous juridiques se prolongèrent jusqu'en 1994.

¨¨˜"°º•º°"˜¨¨

MON AVIS et quelques citations frappantes.
La première partie , VOYAGE DE NOCES, et plus particulièrement celle qui précède le sous chapitre intitulé "la demande en mariage" est effroyable et fascinante... . Chamboulant la chronologie des faits elle alterne les points de vue, s'insinuant nerveusement dans l'esprit affolé de plusieurs protagonistes, du témoin impuissant , le gardien du pont suspendu de Goat Island à la mariée complexée en passant par le fauteur de troubles "le chercheur de fossiles". Des retours en arrière dévastateurs accroissent encore le désarroi des personnages et la perplexité du lecteur .
.
C'est une satire sociale grinçante des milieux presbytériens conservateurs, jonchée de descriptions réalistes au sens quasi médical du terme. Le malaise que ressent mais aussi que dégage la jeune mariée est physiquement tangible . Citation :
" Une mariée gloussante et frissonnante. En satin et dentelle de Chantilly, petits boutons de nacre tarabiscotés, voile de tulle, et longs gants de dentelle qui , retirés après le déjeuner, avaient laissé sur sa peau sensible de légères marques en forme de diamants évoquant une éruption exotique...En dépit de ses efforts pour être gracieuse, elle était aussi empruntée et gauche qu'une cigogne. Coudes pointus, nez crochu. A sa voix rapeuse et inaudible, jamais on ne l'aurait crue chanteuse accomplie. "

En toile de fond les chutes ne cessent de mugir. "L'air gronde, vibre. Le sol tremble sous vos pieds.Comme si la terre même commençait à se fendre, à se désintégrer, jusqu'à son centre en fusion... Comme si le temps avait cessé d'être. Qu'il ait explosé. Comme si vous vous étiez approché trop près du coeur furieux, battant, rayonnant, de toute existence. Là, vos veines, vos artères, la précision et la perfection minutieuses de vos nerfs se désintégreront en un instant. Votre cerveau, dans lequel vous résidez, ce réceptacle unique de votre Moi, sera martelé jusqu'à être réduit à ses composantes chimiques: cellules grises, molécules, atomes. Toute ombre et tout écho de souvenir abolis."
L'attirance "hydracopsychique" qu'exercent les Chutes du Niagara est aussi , pour l'auteur, l'occasion de se pencher jusqu'au point de non retour sur cette mort qui la fascine, et ce pour notre plus grand plaisir horrifié et frissonnant. Qui ne s'est jamais demandé ce que cela " faisait" de se jetter dans le vide, de ne plus pouvoir revenir en arrière, d'être broyé? Ces sensations l'auteur nous les offre avec minutie et générosité. Nous nous muons en témoins hypnotisés et nous délectons des chutes de ces corps dans les flots furieux. Nous pénétrons un instant leur esprit pour mieux nous délecter ensuite de leurs dépouilles. C'est la mort envisagée face aux chutes puis la mort vécue de l'intérieur en temps réel et enfin les morts tels qu'ils apparaissent lorsque tout est accompli et que les flots tumultueux des Chutes du Niagara recrachent leurs corps disloqués ou boursoufflés...car au cours de l'histoire les chutes furent le théâtre de centaines de suicides, de sacrifices ou d'accidents et l'auteur nous les distille savamment.

Le premier chapitre des "Chutes" est un vortex parsemé de multiples morceaux d'anthologie, inoubliables.

Et puis, il y a la suite, plus feutrée, des chapitres deux et trois,
où couve le drame, où des écheveaux inextricables se nouent autour de Love Canal, siège de pollution mortifère...C'est presque un documentaire .... le récit s'essouffle par moments , on se prend à sauter certains passages alors que tous ceux du premier chapitre nous entraînaient dans leur tourbillon. Certes, des fils conducteurs rattachent ces deux dernières parties à la première...le leitmotiv des chutes d'une part, les souvenirs et leur traumatisme, l'unité géographique, la famille aussi..mais on a l'impression que ce qui aurait constitué le thème d'une excellente, cruelle et concise nouvelle à la Edgar Poe (les noces désastreuses d'une pianiste-chanteuse austère , dans le premier chapitre) a été étiré ensuite en roman "fleuve" .

Passé le premier chapitre -soit le tiers du roman- la trame est plus lâche, le style n'a plus cette perfection infiniment travaillée où chaque mot faisait mouche , ce n'est plus ce chef d'oeuvre qui peuplera les anthologies mais le rythme, après s'être enlisé , repart finalement, ces histoires de famille finissent par nous entraîner à elles, on dévore ... Joyce Carol Oates, écrivain expérimenté, habile et prolifique, celle que l'on surnomme "The Word processor", a su nous prendre , une fois de plus, dans ses filets. .

Auteur :  auryn [ 03/08/2008 10:04 ]
Sujet du message : 

J'avais commencé à le lire l'année dernière aussi, mais je n'ai pas accroché du tout. Je l'ai abandonné au bout d'une centaine de pages.

J'aime pas trop me prendre la tête quand je lis un livre, et c'était un peu trop alambiqué à mon goût. :oops:

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