Lorsque j ai eu fini d écrire L insoumise, j ai (bêtement) cru que j en avais terminé avec Fiona Finnegan et sa famille. Après tout, il m avait fallu presque dix ans pour écrire ce livre et j avais besoin de faire une pause. J ai très vite compris cependant que les personnages, eux, n en avaient pas fini avec moi.
Je ne prévoyais pas du tout d écrire un second roman mais quelques semaines après la parution de L Insoumise, je me suis demandé ce que mon héroïne était en train de faire, je me suis aperçue que Joe et Seamie me manquaient et surtout je me suis interrogée quant à ce qu il allait advenir de Charlie, le frère de Fiona, le « mouton noir de la famille », maintenant connu sous le nom de Sid Malone.
Au même moment, ce nouveau personnage, sorti de nulle part, s est matérialisé dans ma tête. Une jeune doctoresse idéaliste. Un contrepoint à Sid Malone. Je savais à quoi elle ressemblait et qu elle était la s ur de Maud. Pourquoi sa s ur ? Dieu seul le sait. Je savais qu elle était un médecin dédié à son travail, une avant-gardiste en matière de progrès social, dévouée au bien-être des autres comme Sid Malone l était à ses sombres desseins. Je savais aussi qu elle avait des bleus à l âme. Tout comme Sid. Et je savais qu ils allaient se rencontrer dans le seul endroit de Londres où deux personnages tels qu eux pouvaient se rencontrer : Whitechapel.
Avec ça, je pouvais y aller. Le jeu pouvait commencer. Je savais dans quelle direction allait l histoire et de quelle manière elle y arriverait mais, comme dans tout roman de plus de 700 pages se déroulant une centaine d années plus tôt, il fallait faire quelques recherches.
Les recherches tout comme les personnages, leur histoire et le cadre sont ce qui m inspire le plus en tant qu auteur. Je tire mes informations de plusieurs sources. Les histoires collectives, les mémoires, les biographies, les journaux intimes, les photographies, les périodiques. La liste est longue. Mais ma plus grande source d inspiration et d informations pour L insoumise et L Ange de Whitechapel n a pas été une photo ou un journal. Non, ç a été un homme.
Fred Sage, c est son nom, était londonien jusqu au bout des ongles. Je l ai rencontré lors de mon premier voyage à Londres alors que j effectuais des recherches pour L insoumise. Il était à la retraite, après avoir passé sa vie sur les docks, et travaillait désormais comme historien spécialisé dans l est et le sud-est de Londres. Il se surnommaient lui-même « le sage des docks ».
Fred m a parlé de Londres. Le sien et celui de son père. Des emplois qui vous rompaient le dos, des difficultés de la vie à l époque, des grèves, des bagarres et des samedis soir. Il m a parlé de lieux, d hommes et de femmes que le monde ne verrait plus jamais.
Fred m a fourni un nombre incalculable de précieuses informations mais surtout il m a donné un aperçu de ce qu était l est de Londres, aujourd hui évanoui à jamais.
Il m a communiqué son profond amour pour cette ville, ses habitants et leur vie. Une vie qui n avait rien de prometteur, de facile ou d idyllique mais une vie réelle.
Il est décédé pendant que j écrivais L Ange de Whitechapel. C est pourquoi je lui ai dédié mon roman.

Jennifer Donnelly