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Ceci est le livre de deux frères, l'un s'en revenant de la guerre de Crimée vers son village natale, le géant Elie Rouch, où il a tué trois ou quatre Russes dans un mouvement de colère bien compréhensible, l'autre Joel Rouch, le faiseur de rêves, décidé à jouer un tour pendable au premier nommé en kidnappant un village - leur village- de ses soixante-treize habitants pour les emmener en Amérique du sud. Ce livre, c'est la folle cavalcade d'Elie pour retrouver son village, dût-il parcourir treize mille kilomètres...
QUELLE ÉCRITURE!! Je n'ai pas souvenir d'avoir jamais lu un roman construit et écrit de cette façon! Toutes les phrases sont ciselées d'une sorte d'ancien français comme celui qu'écrivait les Zola et autre Hugo, mais mâtinées d'un humour mordant, cependant toujours suivi d'une tendresse que sans nul doute Loup Durand ressent pour ses personnages. Certes, ne vous attendez pas à de l'action à toutes les pages, l'auteur étant bien plus finaud que cela, préférant nous faire découvrir cet Ariège méconnu du milieu du 19ème siècle où la majorité des "petites" gens marchaient et marchaient encore (tout comme mon oncle et moi, lorsqu'il eut la très bonne idée, alors que le retour de randonnée se faisait compliqué physiquement, commença à me raconter ce roman, à la façon de Loup Durand et je fus aussitôt conquis par ce récit et cet humour si particulier) se contentant de peu, sachant apprécier les petits bonheurs d'une (rude) vie, sans pour autant ménager les rebondissements de situation...souvent facétieux.. Comment maintenant vous convaincre d'essayer de trouver ce livre de 1981, réédité sous le titre des "cavaliers aux yeux verts" en poche, suite au téléfilm sorti en 1989? Peut-être en vous citant quelques extraits pour vous faire une idée de la richesse d'écriture de cet auteur (préparez-vous à sortir le dico google)!
"Le doute qu'il devina dans la voix d'Elie provoqua chez Rivel cette réaction normale des imbéciles qui s'acharnent d'autant plus à prouver qu'ils sont moins sûrs de ce qu'ils avancent."
"Le subrécargue avait une voix fluette et aigre, un regard sournois et vrillé à passer par les trous de serrure. Le bosco lui était grand légèrement moins large qu'un menhir, ses mains atteignant l'exacte dimension des jambons de Bayonne."
"Elle prit ses quartiers. La maison lui plut bien elle en fit cinquante fois le tour (...) elle développa son plan de bataille tout comme un général. Je vais te Lui faire la soupe jour après jour quand Il rentrera, en poussant devant Lui le village à coups de pieds dans le derrière."
Une vraie découverte et un pur moment de bonheur. Il est dommage de ne plus trouver aujourd'hui d'écrivains capable d'écrire ainsi!
5/5 bien sûr!