Didili,
j’aime beaucoup ta question et elle est loin d’être aussi simple qu’elle le paraît.. Elle appelle plusieurs réponses parce qu’en fait tu poses plusieurs questions..
Si je lis toujours avec mon œil d’écrivain et par conséquence
Si je me prive d’une lecture simplement agréable par « déformation professionnelle »
Si je m’en consacre quelques-unes, juste pour le plaisir
Si je tente de deviner « l’auteur » derrière ses mots, son écriture.
Si ma façon de lire déforme ma façon d’appréhender un texte et
si je lis encore beaucoup depuis que j’écris !
Dans ce cas précis, tu fais référence à l’appréciation portée sur la lecture du dernier roman d’Andréa H Japp »
La croix de perdition ». Roman pour lequel j’ai préféré parler de l’écriture plutôt que de l’histoire elle-même.
Je ne vais pas répondre dans l’ordre, mais je tâcherai de ne rien oublier.
Du temps pour lire
Depuis que je suis entrée en écriture( un peu comme les nonnes dans les ordres
) j’ai renoncé par manque de temps à lire autant qu’avant. Et je lisais énormément
N’ayant pas fait de longues études je me suis beaucoup nourrie de l’écriture des autres, des écrivains classiques surtout, ce sont ceux que l’on trouvait à mon époque..
J’avais comme tu le dis,
l’œil vierge et je me délectais de tout ce que je lisais, écrivains Français et plus tard, Anglo-Saxons et Américains. Des romans essentiellement. J’y pense souvent quand je vois a quelle allure vous dévorez nos romans. Rien ne comptait que la lecture, matin, midi, soir, nuit, en tous lieux à tous moments, j’en oubliais souvent le reste.
Mais à part mon petit roman policier commencé a 12 ans , je ne pensais pas un jour aborder le polar. Ni en lecture, ni en écriture
Et puis un jour le démon de l’écriture m’a saisie pour de vrai. Je ne me contentais plus de petites nouvelles, de poèmes, ou d’écriture de souvenirs autobiographiques. Je voulais écrire un vrai roman.. .
Ecrire un roman demande beaucoup de temps, surtout aux débuts. Je me suis donc attachée à écrire chaque jour, six heures, sept heures, davantage parfois pour donner une forme à mon texte. Les débuts sont rarement glorieux, mais la volonté est là ; celle d’écrire et surtout celle de partager. Donc, de parfaire au maximum son travail.
Plus le temps de lire….
J’avais mes propres histoires en tête, elles me passionnaient, il fallait que je les expulse et que je les couche sur mes feuilles quadrillées, car au début j’écrivais à la main…imagine, c’est long, et je ne pouvais pas toujours me relire tant j’écrivais mal. Tant de temps perdu à réécrire, reprendre corriger, taper à la machine, et encore relire et reprendre. Une galère.
Plus du tout du temps pour lire, j’avais l’impression de perdre un temps précieux. Heureusement un jour je me suis mise à l’informatique, et ma vie d’écrivain a changé !
J’ai lu de moins en moins et cela ne m’a pas manqué tant j’étais prisonnière de mon écriture.
Est arrivé le merveilleux moment de la première édition et du regard des autres sur mon travail, les compliments, les critiques. J’ai
recommencé à lire beaucoup, pour progresser, comparer, mais jamais copier. Beaucoup de romans très divers mais pas de polars. J’avais lu avec délices des Agatha Christie sans penser qu’un jour je me lancerai dans les enquêtes…curieux n’est-ce pas ? J’ai navigué d’Hercule Poirot à Béru , cher au cœur du commissaire San Antonio sans avoir envie de « les imiter ». Mais ce sont les intrigues Anglo- saxonnes qui me captivaient le plus ; peut-être ce côté campagne que l’on retrouve dans mes romans .
Aujourd’hui Je ne lis pratiquement jamais les grands polars dont la Pub nous rebat les oreilles, Français ou Etrangers je les trouve trop violents, trop ensanglantés, trop tripes à l’air et les intrigues me semblent trop compliquées…cela n’engage que moi, bien sûr. Bref, je ne me délasse pas avec.
Quant à ceux de quelques-uns de mes compagnons de plumes contemporains, il est rare que j’en lise. Je m’en étais expliquée dans mon interview. Je n’aimerai pas y trouver des idées similaires, avoir l’impression de m’en inspirer. J’aime écrire ce qui sort de mes pensées parce que j’ai pris le temps d’imaginer le déroulement d’un crime ou d’une enquête ou tout simplement l’histoire d’un roman.
Et quand j’en lis, car cela m’arrive tout de même, malgré moi je me mets à la place de l’auteur. J’essaie de deviner où il va aller, je subodore les événements qui vont se produire, j’observe de quelle façon il manipule ses personnages, et ce que moi j’aurais écrit. Même si en aucun cas je ne l’aurais pas écrit aussi bien qu’eux pour ceux que j’apprécie
Ce n’est pas pour critiquer, c’est instinctif.
Et oui, tu as raison, lire des polars me gâche certainement le plaisir d’une lecture « uniquement pour le plaisir ». car J’établis des comparaisons, j’aime ou je n’aime pas du tout. Mais à chacun son style
Donc mon œil vierge se régalera d’autres romans.
Lire un auteur pour chercher à le deviner ?
Pas tous. Je ne cherche pas à deviner ceux que je ne rencontrerai jamais.
Je me contente de les lire et d’en retirer du plaisir s’ils m’ont plu.
Mais oui, uniquement ceux que je côtoie, ceux que j’aime ou ceux que je veux approcher de plus près, parce que quelque chose m’a attirée dans leur personnalité. Parce que nous mettons toujours un peu de nous dans nos romans. Notre sensibilité resurgit, joies ou chagrins, ou notre hargne, ou notre dureté, nous habillons toujours un personnage de notre peau, de nos sentiments, de nos rejets, de notre haine et nous le chargeons parfois de faire passer certains messages.
Chercher à savoir pourquoi l’auteur a pris tant de peine à l’exprimer me plaît beaucoup ; même si je me trompe une fois sur deux
( bon, une fois sur deux je devine, je flaire, je me persuade, je retrouve!
)
Mais surtout ce que j’aime, c’est pénétrer dans la sensibilité de l’auteur que je connais et que j’apprécie pour diverses raisons.
Je prends le temps de savourer sa façon d’écrire et de décrire l’âme humaine parce que j’en connais l’extrême difficulté, et avec Andréa H Japp je suis comblée.. Là, effectivement
, je lis pour me faire plaisir, pour vivre un roman que je n'écrirai jamais,
pour apprendre aussi, pour comparer, non dans le sens des valeurs mais parce que parfois je retrouve des petits points communs, des similitudes qui rapprochent un auteur de l’autre même s’ils sont très différents. C’est là où je pense « mieux apprécier » qu’un lecteur .
La lecture des autres auteurs apporte forcément beaucoup, en tout cas à moi, c'est un enrichissement, mais c'est vrai que je préfère les genres différents du mien.!
Je lis aussi beaucoup d'autres choses que des romans. J'adore les magazines de psychologie qui apportent beaucoup dans l'étude du caractère des personnages, recherche et conservation de ( piles )de documentations sur les sujets dont je veux parler, que celà aille d'une région ou un pays qui sera au coeur de mon roman, aux magazines qui informent des progrès effectués dans le domaine de la police scientifique qui est en perpétuelle évolution.
Lire les autres et comparer c'est naturel. Demande à un ébéniste ou à un sculpteur si quand il admire l’œuvre d’un confrère, une belle pièce de bois sculptée par exemple, s il ne la regarde pas avec son œil de créateur et de professionnel, s’il se contentera de dire « hou, que c’est beau : » ou s’il n’appréciera pas davantage le travail qu’un néophyte, et qu’il n’établira pas automatiquement des critiques ( dans le sens non péjoratif) ou des comparaisons
Je crois en effet que mon écriture m’empêche désormais de lire tout roman policier avec un œil vierge même si je l'apprécie. Mais pas pour les autres.
Alors, moi je vais
te, et
vous poser une question d’auteur aux lecteurs
(J'ai crée dans ce topic un endroit pour répondre aux questions que j'ai bien l'intention de vous poser. Les modos dépalceront s'il le faut)
(
Et vous ? Depuis que vous avez eu l’occasion d’approcher des auteurs dans les salons, et de les connaître de plus près pour certains, d’avoir échangé avec eux en confidences ou simplement en amitié....
Comment lisez-vous leurs romans désormais ?
D’un œil vierge, ou cherchez vous dans leurs lignes à retrouver leur caractère, leur sensibilité. Ne le lisez-vous que pour le plaisir de la lecture, de vivre un suspens, vous effrayer au besoin sans vous laisser envahir par des questions du genre « pourquoi a-t il ou elle écrit çà ?. » en cherchant a rapprocher l’événement du roman d’un fait réel qu’il aurait pu vivre.
Cela fait-il une différence avec le roman d’un parfait inconnu ?
Merci Didili
Je suis certaine que tes questions et mes réponses vont en interpeller plus d'un!