 |
Libraire |
 |
Inscription : 27/06/2006 16:29 Message(s) : 5420 Localisation : Rédalie du Sud
|
La (très jolie) couv' francaise, décidémment les éditeurs font un gros effort pour attirer l'oeil des lecteurs
La sortie est annoncée pour le 23 aout 2007 ( source : Passion du livre )
2 extraits
Les premières lignes sur Passion du livre :
Le testament de Gus Landor
Le 19 avril 1831
Dans deux ou trois heures... Il est difficile de savoir... Disons que dans quatre heures au maximum... je serai mort. Je trouve utile de le préciser, car cela apporte un certain éclairage à la situation. J'éprouve depuis peu, par exemple, un grand intérêt pour mes doigts. Pour cette lamelle des stores aussi, celle qui est un peu de travers en bas. Derrière la fenêtre, une tige rebelle de la glycine, qu'on dirait échappée de sa souche, oscille comme une corde de pendu. Je ne l'avais jamais remarquée. Autre chose : le passé ressurgit avec toute la force du présent. Les gens qui peuplèrent ma vie se pressent en masse à mon chevet. Comment font-ils pour ne pas se télescoper ? Je me le demande. Je vois devant la cheminée un conseiller municipal d'Hudson Park ; juste à côté, ma femme, en tablier de ménagère, ramasse les cendres pour les mettre dans la corbeille. Et qui la regarde faire, sinon mon chien, ce bon vieux retriever du Newfoundland ! Ensuite, dans le couloir : ma mère ! Elle qui n'entra jamais dans cette maison, puisqu'elle est morte quand j'avais onze ans. Et voilà qu'elle repasse mon costume du dimanche. Une chose paraît curieuse, cependant : mes visiteurs ne s'adressent pas la parole. Ils obéissent, semble-t-il, à un protocole assez strict. Dont je ne comprends pas les règles. Cela dit, tout le monde ne les respecte pas. Cela fait une heure qu'un certain Claudius Foot me rebat les oreilles avec son histoire. Il hurle. Je l'ai arrêté il y a quinze ans pour l'attaque du courrier de Rochester. Une épouvantable injustice... Il avait trois témoins pour affirmer qu'au même moment, ou à la place, il dévalisait celui de Baltimore ! Et il était fou de colère ! Libéré sous caution, il avait quitté la ville pour y revenir six mois plus tard. Mais il avait attrapé le choléra et, à bout de forces, s'était jeté sous les roues d'un taxi à chevaux. Seule la mort avait réussi à interrompre sa logorrhée. Et aujourd'hui il recommence. Il y a foule, croyez-moi. Selon mon humeur, selon l'angle des rayons du soleil dans le salon, j'y prête plus ou moins attention. Par moments, je dois admettre que j'aimerais mieux communiquer avec les vivants. Ils se font rares, ces temps-ci. Patsy ne passe plus dire bonjour... Le professeur Pawpaw est toujours à La Havane en train de mesurer ses crânes. Je ne vois d'ailleurs pas ce qui pourrait le faire revenir. Il ne me reste que son souvenir, de vieilles conversations qui défilent dans mon esprit. Un soir, par exemple, nous discutions de l'âme. Je n'étais pas certain d'en avoir une ; lui si. C'aurait pu être amusant de l'écouter, mais il se prenait vraiment trop au sérieux. Il faut dire que personne, jusque-là, ne m'avait entraîné si loin sur cette pente hasardeuse, pas même mon père (pasteur itinérant, trop soucieux de l'âme de ses ouailles pour s'occuper de la mienne). Et je n'arrêtais pas de répéter : - Bon, bon, tu as peut-être raison. Alors Pawpaw redoublait de ferveur, arguant que j'éludais simplement la question, en l'attente d'une confirmation empirique. Je lui demandai donc : -Faute d'une confirmation de ce genre, que puis-je dire d'autre que «Tu as peut-être raison» ? Nous divaguâmes ainsi un moment, jusqu'à ce qu'il m'assène : - Landor, le jour viendra où ton âme se tournera vers toi et se présentera de la façon la plus empirique - à l'instant précis où elle te quittera. Tu essaieras de la retenir, bien sûr ! Mais cela ne servira à rien ! Regarde-la plutôt maintenant qui ouvre ses ailes d'aigle et part aux Indes agrandir son aire. Non, il ne manquait pas d'imagination ! Un rien extravagant, quoi. En ce qui me concerne, j'adhère mieux au réel qu'à la métaphysique. J'aime les données palpables, la bonne soupe du quotidien. C'est pourquoi les faits et leurs conséquences formeront la trame de ce récit, comme ils formèrent celle de ma vie.
Et sur le site de la FNAC
Le récit de Gus Landor
Lazare ayant commencé à puer au bout de quelques jours, pourquoi Leroy Fry aurait-il fait autrement ? Toutefois, lui, personne ne se proposait de le ressusciter dans un avenir proche. En outre, sa famille n'étant pas attendue avant trois semaines, la direction de l'Académie avait comme un problème. Soit on l'enterrait sans tarder - dans ce cas les parents seraient furieux -, soit on le gardait sur terre au risque d'une décomposition avancée. On en débattit un moment et on choisit la deuxième solution. Seulement, la glace était encore très demandée, et le Dr Marquis fut obligé de recourir à une pratique qu'il avait observée maintes fois lorsqu'il était carabin à l'université d'Edimbourg. À savoir que, pour conserver le cadavre, il l'immergea dans un bain d'alcool. C'est donc dans ce dernier que le capitaine Hitchcock et moi-même retrouvâmes le jeune Fry. Tout nu, dans une caisse de sapin pleine d'alcool éthylique. Pour lui fermer la bouche, on avait coincé un bout de bois sous sa mâchoire ; et pour qu'il reste au fond, on lui avait bourré les côtes de charbon. Son nez, cependant, persistait à trouer la surface, et ses paupières refusaient de se fermer. Il flottait là-dedans, l'air plus vivant que jamais, comme si une vague, bientôt, devait le rapporter sur terre. La caisse avait été calfatée, mais pas suffisamment, de sorte qu'on entendait goutter sur le tréteau. D'agressives vapeurs s'élevaient autour de nous, et je pensai que, dans les jours à venir, c'est ce que je trouverais de plus proche de l'ivresse. -Capitaine, dis-je. Vous êtes-vous déjà promené au bord de l'océan ? Il me répondit que oui, à plusieurs occasions. -Je n'y suis allé qu'une fois, continuai-je, et je me souviens d'une petite fille - elle devait avoir huit ans -qui bâtissait une cathédrale sur le sable. En tout point remarquable, d'ailleurs, avec un cloître, plusieurs clochers... un luxe de détails que je ne saurais vous rapporter. Elle avait tout prévu - sauf la marée. Et elle avait beau travailler vite, les vagues arrivaient de toute façon plus vite. Une heure plus tard, cette belle chose qu'elle faisait n'était plus qu'une série de mamelons ensablés. Je fis un geste de la main qui signifiait : table rase.
|
|